23 novembre 2008

Page 76 : Les cascades du Fouta Djalon

Arrivant en Guinée par le nord, je me retrouve en plein Fouta Djalon, véritable château d'eau de l'Afrique occidentale, puisque notamment les fleuves Sénégal et Gambie y prennent leur source...


Aussi, l'une des principales raisons de randonner dans ce massif où les pics de plus de 1000 m alternent avec de profondes vallées encaissées, c'est bien d'aller admirer quelques cascades, avec comme récompense de nos efforts la baignade dans les bassins creusés par les chutes...

La première cascade visitée est la chute aux vautours, une belle balade, bien rafraichissante avec sa piscine naturelle surplombant un saut de 60 metres, sous l'œil torve de ces volatiles...

On en profite également pour s'immerger (un peu) dans la vie des peuhls, logeant dans les huttes traditionnelles et mangeant comme eux, attendant pendant près de 6 heures l'unique taxi-brousse qui passera dans la journée...
Faut pas avoir un rendez-vous important !




Pour aller voir ma deuxième cascade, n'ayant pas pu obtenir un prix convenable pour affréter un taxi, nous profitons des voitures qui se rendent au marché hebdomadaire qui, bizarrement, n'a lieu qu'une fois par semaine... Trois jours d'attente ! J'en profite pour visiter la ville de Dalaba, ville perchée à 1000 m, au climat délicieusement frais (pour moi), voire glacial (pour Pascal) !
Les salaires des gardiens de la maison du gouverneur et de la case à palabres sont gelés eux aussi, ils ne leur ont pas été versés depuis 1985 ! Débrouillez-vous !


Les rares indications que me procure mon bouquin s'avèrent fausses pour la plupart, et les africains n'ont pas la même appréciation des distances et du temps que dans nos sociétés stakhanovistes...
Bref, on crapahute sous le cagnard pendant des bornes, mes godasses achetées à Dakar sont déjà H.S., ce sont les pieds qui trinquent...

Ce qui est certain, c'est que le sujet principal de conversation sur le marché de Ditinn, village près duquel se trouve une chute de 80 m de haut, c'était moi, "le toubab qui marche" !!!
J'y ai eu plus de succès qu'un rappeur gambien en tournée dans la région... Drôle d'idée ! J'apprendrais plus tard qu'il a eu 5 spectateurs à son concert dans le village déserté une fois le marché terminé... C'était prévisible !


J'avoue, j'ai déclaré forfait en allant à la 3ème cascade, trop mal aux pieds, vivement le boulot que je me repose ! Pascal a pris les photos...

Et moi, il faudra que je pense sérieusement à faire ressemeler mes pompes !


En plus, pour voyager en Guinée, c'est pas mal le calvaire, outre le fait que le pays est laissé à l'abandon, rien n'est prévu pour faciliter le tourisme, le racisme anti-blanc y est par contre assez développé, lui... Il faut se démener comme un beau diable pour tout faire, là je suis vraiment content de pouvoir compter sur Pascal pour pas mal de choses, c'est sûr que ce pays n'est pas à conseiller à un voyageur débutant...

Par exemple, pour confectionner un sandwich, il faut d'abord acheter son pain, puis aller acheter sa viande, la faire cuire, puis changer encore d'estancot pour y ajouter quelques tomates et oignons, bien sûr il faut tout négocier à chaque fois, il faut bien 1 heure avant de pouvoir croquer une bouchée...

Je me souviens alors de l'avertissement du douanier sénégalais : "vous entrez dans le tiers-monde !"...

Page 75 : Kédougou (Sénégal) - Labé (Guinée) : 250 kms en 56 heures...

Voici une frontière dont je me souviendrais pendant longtemps...

Tout d'abord, ayant une haine atavique et viscérale contre la majorité de ces ... de chauffeurs de taxi, et les voyages en Afrique de l'Ouest étant le domaine presque réservé des taxis-brousses, c'est sûr que ce périple africain ne pouvait pas se passer dans les meilleures conditions...

Il faut savoir que les taxis-brousses sont organisés en ce qu'ils appellent des "syndicats", en fait un pur système mafieux, dans lequel un "coxeur" encaisse la monnaie et attribue les places selon son bon vouloir, et autorise le départ du taxi lorsque celui-ci est archi-surchargé...


Pour le cas présent, nous nous sommes retrouvés 16 clients payants, 4 bébés, les bagages, le chauffeur et ses 2 assistants à bord d'un 4*4 en ruine(Pick up Toyota Hilux pour les connaisseurs)...

Mais pour réunir tout ce beau monde, il aura fallu 4 jours... Pascal, mon guide sénégalais et moi avons eu de la chance, nous n'avons attendu que 26 heures...

J'établis ainsi un nouveau record du monde personnel, améliorant ma performance précédente de plus d'une heure trente, en Australie en l'an 2000, j'avais attendu durant 24h30 qu'une voiture veuille bien me sortir du Red Center...

Enfin, nous prenons le départ, franchissant le fleuve Gambie sur un bac captif à traction manuelle puis on se lance sur une bonne piste, ouf enfin on avance, on commençait à péter les plombs à tourner en rond dans la ville poussiéreuse de Kédougou, au sud-est du Sénégal...

Au bout d'une heure, on bifurque dans un chemin que même les mules ne veulent pas emprunter pour escalader la montagne... Il faut que tous les passagers descendent pour permettre à la voiture de franchir l'infâme pierrier qui tient lieu de piste transfrontalière...

A la douane sénégalaise, l'expression du douanier à mon encontre ("Ah ! un passeport !") témoigne du fait qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de touristes dans le secteur... Côté guinéen, j'ai droit à un "amène-moi le blanc" en guise d'accueil... Entre les deux pays, ce n'est pas la franche amitié, Pascal en fera les frais plusieurs fois, malgré sa carte officielle de guide touristique...


La voiture, surchargée à l'extrême sur des pistes défoncées, commence à donner des signes de fatigue, ayant une soif d'eau fraîche à chaque cours d'eau que l'on franchit, bien souvent à gué, les rares ponts ayant été détruits pendant les "hivernages" (saison des pluies - 4 m d'eau par an en Guinée..). Il faut vraiment toute la dextérité du chauffeur pour escalader les roches, dévaler les marches et éviter les ornières monstrueuses, et on a bien besoin de toutes les attentions de lui et ses 2 assistants pour maintenir la mécanique en vie, je sens à chaque bosse le chassis se tordre sous mes pieds...


Au bout de 12 heures de ce régime infernal, on n'a parcouru que la moitié du chemin, il fait nuit noire (on est en Afrique !), le chauffeur prend la sage décision de faire reposer la mécanique dans un village où l'on peut se restaurer frugalement... On se trouve à plus de 1000 m d'altitude, pour moi la température est idéale pour passer la nuit sur l'une des banquettes du 4*4 (j'ai droit à un traitement de faveur), Pascal est frigorifié...

A 2 heures du matin, alors que la pleine lune me tape dans l'oeil, un taureau traverse le village et décide de meugler tout ce qu'il peut pendant une bonne demi heure... Alors là, je peux vraiment affirmer que j'ai entrepris un voyage vraiment "roots", au plus près des racines...

A 4 h 30, on repart, le radiateur réparé hier à la colle (!) ne tient pas le choc, on roule 20 minutes et on s'arrête 10 minutes pour remettre de l'eau, c'est sûr qu'on n'avance pas vite... Et encore, on n'a pas crevé une seule fois, ce qui relève du miracle !

A 80 kms du but, on doit même changer de véhicule, pour s'entasser dans un break 504 délabré (11 personnes plus les bébés à l'intérieur, les bagages et 5 personnes sur le toit !), encore plus mal en point que le 4*4, là, ce sera la tringlerie du changement de vitesse qui sera réparée avec un bout de ficelle...



Bref, après 26 heures d'immobilisme et un périple de 30 heures, nous arrivons enfin à Labé, au coeur de la Haute Guinée...

Même à l'eau froide, prendre une douche est alors un vrai moment de bonheur !

09 novembre 2008

Page 74 : Passe moi le Sahel...




Mes pas vont croiser un temps ceux des pilotes de l'aéropostale (Mermoz, Guillaumet...) dans la ville coloniale de St Louis, d'où les avions s'élançaient vers l'Amérique du Sud...



J'y rencontre 2 motards français, Stéph' et Phil', qui se font une petite balade de 18 000 kms en Afrique Occidentale... Ils ont un blog que vous pouvez visiter ici :

www.psafrica.unblog.fr


Quant à moi, je ne peux résister à l'appel d'une navigation fluviale...

Ca occasionne un léger dépassement du devis initial, mais ça en vaut la chandelle pour naviguer sur un navire historique... En effet, le "Bou el Mogdad" assurait la livraison du courrier en 1952 sur plus de 1000 kms à l'intérieur des terres le long du fleuve Sénégal. Aujourd'hui, même s'il ne transporte plus qu'une cinquantaine de touristes (on était 28 début novembre) sur un tronçon de ce parcours, la navigation est sympa entre les rives mauritaniennes et sénégalaises, au fil des villages pittoresques des Toucouleurs et des campements des bergers nomades Peuls...

En plus, ça ne gâte rien, la nourriture à bord est miam miam ! Je ne parlerai ici que du "Capitaine à la saint-louisienne", un poisson de mer d'un mètre, entièrement vidé et reconstitué dans sa peau d'origine avec une farce à base de sa propre chair, le tout passé au four...
Je ne sais pas si vous vous rendez compte du travail que cela représente, en tout cas, le résultat est sublime...
Ce blog devient de plus en plus gastronomique, non ?

Plus d'infos sur les croisières du "Bou el Mogdad" :

www.compagniedufleuve.com


Je continue mon parcours en remontant la vallée du fleuve Sénégal, les température montent aussi, 38 - 40 ° à l'ombre des buissons clairsemés de la savane...

J'ai l'impression d'avoir un pistolet à air chaud braqué sur ma tempe, alors que les chèvres broutent les acacias et que défilent de grands troupeaux de zébus (et quand zébu, zé plus soif !)...

Ca ferait joli sur la cheminée, une paire de cornes de zébu !

C'est avec Olivier, un français rencontré à St Louis, que je progresse de ville en ville dans la chaleur torride et poussièreuse, selon le bon vouloir des taxis-brousse...


S'il faut parfois 12 heures pour parcourir 200 kms, c'est qu'en fait il faut parfois jusqu'à 6 heures d'attente pour remplir à fond la voiture, une vieille Peugeot déglinguée qui n'affiche plus son âge, tellement elle a été rafistolée, ou un vieux minibus Mercedes plus robuste qu'un tank, route défoncée oblige !
Qu'est-ce que c'était confortable, le bateau !

Pour en revenir à Olivier, c'est un jeune ancien photographe professionnel qui a longuement côtoyé la communauté malienne de Paris (mais il a du se reconvertir, ça ne nourrit plus son homme !) Il vient en Afrique pour la première fois, il m'impressionne par ce qu'il arrive à faire, les contacts qu'il noue avec la population, c'est un type bien...

Cette fois, on n'avait malheureusement pas le même rythme de voyage, on doit se séparer au bout de quelques jours... C'est moi qui ait le plus de temps et qui doit courir le plus vite, je vous laisse méditer là dessus... Bonne chance, Olive !

Page 73 : Paris - Dakar 2008


Mais bon, Dakar, pas d'ac' (grande ville polluée, sans charme), sauf à passer une journée sur l'ile de Gorée, mais le devoir de mémoire de ce comptoir négrier s'est transformé en étalage de souvenirs touristiques...


Alors, direction Mbour sur la côte Atlantique pour assister au retour des barques de pêche en fin d'après-midi... Joli spectacle dans une cohue très organisée, en fait...

Cette première partie de mon voyage en Afrique Occidentale est placée sous le signe du poisson (le pillage des ressources planétaires continue ...)

Ca se confirme quand je passe 3 jours dans le delta du Siné Saloum avec Pascal, un guide sénégalais... Outre le fait qu'il est de bonne compagnie, il connait toutes les bonnes adresses pour loger chez l'habitante et il me concocte une cuisine sénégalaise de premier plan...

Je me rassasie de poisson et de crustacés...
Je me souviendrais longtemps de cette carpe noire d'1 kg 400, achetée à un pêcheur lors d'une balade en pirogue dans la mangrove, et préparée au grill pendant que je suis allé admirer le coucher de soleil derrière un splendide voilier de voyage au mouillage...

Le lendemain, une journée de carriole à travers le delta asséché et je me retrouve quasiment le seul toubab (blanc) sur une plage de 30 kms de long, avec un cargo échoué à 200 m du rivage pour faire joli sur la photo...

Le soir, c'était escargots de mer avec une sauce tomate et piment, puis de la seiche au barbecue avec du couscous de mil, le tout accompagné d'un petit rosé bien frais, à la lumière des lampes tempêtes...