01 février 2011

Route 1986 : Go west, young man

A cette époque, le consul général des USA à Lyon délivrait des visas touristiques valables à vie... Mais les gabelous ricains n'étaient pas au courant ! Ceux là même qui vous demandent toujours très sérieusement si vous avez l'intention de commettre des attentats sur le formulaire d'immigration (que le moindre terroriste qui ait déjà répondu par l'affirmative lève le doigt !)...

M'enfin, après un interrogatoire privé, ils me laissent enfin sortir de l'aéroport et je me retrouve dans une masse de chaussettes, je veux dire au Massachusetts, à Boston précisément. C'est vrai que c'est de cette ville qu'a commencé la guerre d'indépendance des colonies anglaises, qui trouvaient le thé anglais trop corsé, surtout au niveau des taxes... Des rebelles, quoi ! Il en reste un parcours historique dans la « vieille » ville...
Mais l'histoire des USA, on n'en retient surtout la conquête de l'ouest, alimentée par les westerns et la lecture d'ouvrages aussi indispensables que les albums de Lucky Luke et Blueberry...
Donc un bus m'amène à Chicago, la « ville du vent » qui domine le lac Michigan de la hauteur de ses gratte-ciels, la Sears Tower est alors le plus haut building du monde avec 442m... Impressionnantes aussi, les tours jumelles au bord de la rivière dont on a inversé le courant, avec ses garages à bateaux surmontés des parkings pour automobiles, eux même surmontés par les appartements, tous avec balcon... J'en prends plein les yeux, comme avec le mobile de Calder, la statue de Picasso, le métro aérien circulant dans un boucan d'enfer, enfin pour tout ça je vous invite grandement à visionner le film des « Blues Brothers », d'abord c'est un chouette film et ça fait toujours plaisir de voir le plus grand massacre de voitures de flics de toute l'histoire du cinéma !
Et c'est à Chicago encore que j'ingurgite la plus grosse pizza, pourtant ce n'était qu'une « médium », mais elle m'a nourri pendant 3 jours, le resto fournit gracieusement le « doggy bag », un sac pour emporter ce que vous ne pouvez plus manger sur place !
Je continue en bus, et là je fais un coup de poker en achetant un pass qui me permet de circuler à volonté sur tout le réseau de la compagnie pendant une semaine pour... 99 dollars ! Une aubaine pour un étudiant ! Mais il ne faut pas traîner en route ! J'opte pour la route nord, qui traverse les Badlands du Dakota (pas l'endroit pour tomber en panne, à part les restes de dinosaures, il n'y a rien !), longe le parc Yellowstone par le nord, pour arriver à Seattle, là où les avions font « boeing » à l'atterrissage...
De là, je retourne à Vancouver, au Canada, qui accueille l'exposition universelle dédiée aux moyens de transport, mais pas seulement, j'y ai l'occasion de siroter un whisky avec un glaçon prélevé directement sur un iceberg de la banquise arctique apporté pour l'Expo86, la glace est tellement comprimée qu'elle siffle en fondant dans mon verre !
Dernier voyage que m'autorise mon pass, je file plein nord, via Yellowknife et sa forêt de panneaux indicateurs du monde entier, pour arriver à Whitehorse, dans le Yukon... Si vous regardez sur une carte, ça doit bien faire 6000 bornes ! Crazy ! Faut être jeune !
De là, un saut de puce m'amène à Skagway, en Alaska, les énormes convois routiers remplis de 100 tonnes de plomb ont remplacé les chercheurs d'or qui s'échinaient à franchir à pied le col Chilkoot plusieurs fois de suite pour transporter tout leur bazar d'affamés du métal jaune, dans une file interminable et dans la neige... Moi, je me souviens d'un 6° un matin d'août, ça fait frisquet !
Cette partie de l'Alaska, c'est aussi le territoire de l'aigle royal, celui que les USA ont pris pour emblème, qui survole les torrents issus des glaciers se frayant leur chemin dans la forêt pluviale originelle, un sanctuaire de la nature quand les pétroliers pourris ne s'y éventrent pas (la Bretagne a eu son Amoco Cadiz, l'Alaska son Exxon Valdez...). Un soir, je loge dans une cabane au bord d'un lac, je dérange les écureuils qui gambadent sur la terrasse pour regarder brouter les orignaux (non, non, pas les originaux, j'ai bien écrit orignaux, c'est comme un agnal, des agneaux, un orignal, des orignaux !)...
En redescendant sur Prince Rupert, une sublime aurore boréale me tiendra éveillé toute la nuit, c'est un spectacle magique de voir ce grand rideau d'un vert laser se déployer et onduler dans tout le ciel...
J'embarque alors sur le ferry qui rejoint l'ile de Vancouver via le « passage intérieur », le long de la côte de la magnifique Colombie Britannique, quand le brouillard ne cache pas tout !
De là je retourne aux States, je rêve de voir San Francisco, mais comme je fais du stop, c'est assez aléatoire, en tous cas pittoresque, que ce soit le jeune désœuvré, canette de bière entre les jambes (quelques kms seulement !), le paysan en pick-up qui me demande de jurer en français quand on tombe en panne pour ne pas que sa femme comprenne (et donc ne l'engueule !), le VRP en Cadillac qui me fait tout un discours sur la beauté du système capitaliste américain qui donne beaucoup à celui qui travaille beaucoup pour que sa famille vive confortablement (sauf qu'à toujours être sur les routes, il ne la voit pas, sa famille !), un minibus hippie qui voulait m'emmener à Las Vegas...
Mais moi qui suit un fan de « Bullit », et notamment de la fameuse poursuite en Ford Mustang à boite manuelle, avec le double débrayage rageur de Steve Mc Queen, je voulais voir la ville blanche s'étaler sur ses collines et le gigantesque pont rouge de la Porte d'Or avec vue imprenable sur Alcatraz et Downtown San Francisco... Ville de la tolérance par excellence, aux multiples facettes, babacool, bobo, homosexuelle, chinoise... Son Cable-Car qui défie les âges en s'agrippant à son câble pour passer d'une colline à l'autre, ses restos à sushis où le cuistot officie au centre de la salle, les façades de ses maisons en bois, les devantures des boutiques où l'anglais a disparu au profit du mandarin, le parfum capiteux des plantes grasses qui recouvrent les falaises surplombant l'océan Pacifique, le « clam chowder » (soupe aux coquillages) qu'on déguste sur les quais en regardant les phoques faire la sieste et les pélicans se disloquer le cou en tombant comme des pierres sur un poisson, ses rues tirées au cordeau, sauf une... J'aime Frisco !
Il ne me reste plus qu'à retraverser le continent, et encore une fois la frontière entre les USA et le Canada pour aller dans le parc des milles iles en Ontario, la tête du douanier quand je lui ai expliqué que j'avais franchi la frontière pour entrer au Canada dans une voiture canadienne qui ne s'était pas arrêtée, mais que je revenais à pied au milieu de la nuit au poste frontière parce qu'il me fallait un tampon sur mon passeport ! Ses yeux roulaient comme les chiffres d'une calculatrice dont les piles sont HS... Game over !

Je passe ensuite aux chutes du Niagara, je trouve le fer à cheval (côté canadien) plus impressionnant mais c'est tellement dénaturé par des attractions touristiques débiles que je préfère encore regarder Marylin Monroe dans « Niagara »...
J'arrive enfin à la grosse pomme, New York City et là... alors là... Ze big claque dans la gueule !
C'est la ville de tous les superlatifs, il y a une énergie dans cette ville tellement intense qu'on en ressent physiquement la vibration quand on se balade sur les trottoirs de Manhattan, notamment autour de Time Square... C'est une ville à fleur de peau, j'imagine qu'on la déteste ou qu'on l'adore, mais cette énergie, cette frénésie ne peuvent pas laisser indifférent... C'est la statue de la « Liberté éclairant le monde », ce phare planétaire vers lequel ont convergé et continuent d'arriver tant d'immigrants de tous pays, apportant avec eux leurs espoirs d'une vie meilleure... Il y a l'Empire State Building et il y avait les Twins Towers, en haut desquelles je suis monté admirer la vue sur le « skyline », la silhouette de tous ces gratte-ciels pointant toujours plus haut, mais j'ai aussi vu un jardinet avec quelques pieds de tomate à deux pas du quartier où se joue la finance mondiale...
Il y a tous ces multiples quartiers, Chinatown grignote Little Italy qui se mélange aux juifs, les artistes de Greenwich Village font la nique aux costards-cravate (souvent sans cravate) de Wall Street, toutes les gigantesques enseignes lumineuses et affiches de spectacles de Brooklyn  contrastant avec les rues en terre du quartier déglingué de Harlem où l'on se bat au couteau en plein jour (je l'ai vu), mais c'est de l'autre côté de Central Park, le poumon vert de la Grosse Pomme...
Et puis tous les clichés, les sirènes hurlantes des ambulances répondant aux klaxons rauques des pompiers, les cheminées des chantiers exhalant les vapeurs fétides du sous-sol new-yorkais, les rues entières recouvertes d'une noria de taxis jaunes (à NYC, on peut prendre un taxi et lui demander de vous amener de l'autre côté de la rue !), qui bien sûr ne sont jamais libres quand il pleut à verse...
Le jour, il y a la foule anonyme dans laquelle chacun fond sa dose d'excentricité, la nuit il vaut mieux éviter d'errer dans les rues, j'ai essayé en arrivant car je ne supportais plus les néons de la gare routière, j'ai croisé trois personnes qui toutes m'offraient des doses de crack (cette saleté de drogue dont on tombe immédiatement accro), je me suis réfugié dans un Mac Do jusqu'à l'aube, au moins quand tu achètes un café, on t'en ressert gratuitement à volonté...
Bref, je suis rentré des States avec 5 jours de retard sur mon incorporation, je suis descendu de l'avion (c'est l'une des seules fois où j'ai pu voyager avec Air France, service de porcelaine au repas même en classe touriste, à cette époque !) pour sauter dans un train en direction de l'Allemagne...
Ben oui, pendant les trois jours de présélection, j'avais émis le souhait d'effectuer mon service militaire obligatoire en Outre-Mer, j'ai obtenu Outre-Rhin, pendant tout ce périple nord-américain je me suis posé la question de déserter ou non, j'aurais pu, mais le prix à payer, un long exil, c'était trop cher... Et puis Freiburg in Breisgau est une jolie ville, après tout !

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