29 avril 2007

Page 42 : les paradoxes turkmenes

Je ne fais que passer au Turkménistan, avec mon visa de transit... Premier paradoxe, ce visa d'une durée limitée (5 jours) me permet de voyager avec une relative liberté, sans le guide obligatoire pour les touristes, auxquels on impose un itinéraire prédéterminé et contrôlé...

Je choisis donc d'aller visiter le site de Merv, une grande ville rasée par les cavaliers mongols, massacrant tous ses habitants sous prétexte que le ragoût de mouton n'était pas assez salé (ou quelque chose comme ça...) !
De cette imposante cité, il ne reste plus que des restes de remparts que le vent du désert achève de désintégrer, au grand dam des martinets qui ont creusé leur nids dans les murs de pisé...
Eparpillés dans le site, on peut toutefois visiter plusieurs mausolées, et les murs cannelés des anciens palais, et avoir un point de vue magnifique depuis le petit fort d'Erk Kala, avant de quitter la steppe sablonneuse où paissent les dromadaires...

Je me dirige donc vers la capitale Ashkabad, la "cité de l'Amour" rasée par un tremblement de terre en 1948... Depuis, c'est un chantier perpétuel, surtout depuis l'accession à l'indépendance en 1991, selon les délires de Niazov, le dictateur disparu en février je crois (ouf !), mais dont le portrait omniprésent continue de surveiller les turkmènes...
Aujourd'hui, les chantiers continuent, multipliant les gratte-ciels vides et les monuments loufoques, tous recouverts de marbre blanc...
Le second paradoxe, c'est que la multiplication des places, des parcs ombragés et des innombrables fontaines en fait une ville plutôt agréable à visiter pour une libellule...

Mais tout ce clinquant, cette extravagance, ne parviennent pas à dissimuler la réalité de la vie du turkmène moyen, pas plus que les énormes indemnités de départ indues de nos chers dirigeants ne sauraient égayer le quotidien d'un smicard endetté jusqu'au cou (juste un exemple, comme ça au hasard, tiens, c'est le groupe Bouygues qui se taille la part du lion dans les délires de béton du "Turkmenbashi", le père des turkmènes...).
Bon, l'âge d'or du Turkménistan doit arriver au cours du XXIème siècle, Niazov l'a promis !

Je ne serais pas la pour le voir, en cet fin avril je quitte l'Asie Centrale pour le Moyen-Orient...
S'il vous plait, ne jouez pas aux cons, NE VOTEZ PAS POUR SARKOZY !!!

Page 41 : Au coeur de la route de la soie

Ce qui attire le voyageur dans ce pays , c'est bien sûr la visite des anciennes cités établies depuis plus de 2500 ans sur ce qui va devenir par la suite l'axe majeur de la route de la soie.
Encore aujourd'hui y associe-t'on couramment le nom de la ville de Samarcande, qui, avec Boukhara et Khiva, constituent les 3 perles de l'orient...

Au XIVème siècle, Tamerlan le conquérant fonda un empire qui s'étendait des steppes Kazakhes au golfe Persique et de l'Inde du nord à la Turquie... Les richesses accumulées se retrouvent aujourd'hui dans l'ampleur des ensembles architecturaux tels que le fabuleux Registan de Samarcande, vaste place dominée par les portails colossaux richement décorés de 3 medersas (à l'origine des écoles coraniques, aujourd'hui les boutiques de souvenirs occupent les chambres des étudiants...). A voir aussi, l'énorme mosquée que fit ériger Bibi Khanum (Bibiranoum), la femme chinoise de Tamerlan, pour lui faire une surprise (pour la Saint Valentin ?)

A Samarcande, le ciel est bleu parce que les coupoles des monuments sont bleues, la majolique (faïence bleue) y est employée à profusion, c'est superbe à contempler !
Tout comme les couleurs éclatantes des robes chatoyantes des femmes (très majoritairement non voilées) faisant quotidiennement leurs courses dans le bazar...
Je sais, je n'ai pas un métier facile !


La grande rivale de Samarcande fut la ville de Boukhara (Bourrara), 250 kms plus a l'ouest. Outre sa massive citadelle, la ville est parsemée de superbes monuments religieux datant pour la plupart du XVIème siècle dont la décoration provient surtout de l'agencement des briques...
A noter en particulier le magnifique minaret Qalon, haut de 47 m (105 marches...) auxquels s'ajoutent 10 m de fondations reposant sur un matelas de roseaux aux vertus anti-sismiques...
Dommage que dans cette ville le mercantilisme touristique altère quelque peu le souffle historique...

Sur cette route mythique transitaient non seulement des marchandises mais aussi des idées, des religions, de nouvelles techniques, comme le papier inventé par les chinois qui fut un préalable nécessaire à la révolution de l'imprimerie (bien que je vous fasse parvenir ce "papier" virtuel via un ordinateur et une ligne téléphonique, ça, c'est la révolution de l'internet...).

Encore plus à l'ouest, dans la fertile vallée de l'Amou-Darya, se trouve la ville-musée de Khiva, dont le coeur, ceint de massives murailles de pisé, regorge de medersas et de mosquées...
Bien que cette ville fut fondée, selon la légende, par Sem, le fils de Noé, la plupart des monuments datent du XVIII et XIXème siècle, époque pendant laquelle le Khan de Khiva tenait la dragée haute aux anglais et aux russes qui se battaient pour prendre le contrôle de l'Asie Centrale...
Comme il n'y avait pas encore la télé à l'époque, le Khan avait mis au point toute une série de divertissements pour assoir son autorité, comme empaler, enterrer vivant, jeter du haut d'un minaret, enfermer dans un sac avec des chats sur lesquels on tapait à coups de bâton... Un sacré joyeux drille !


Aujourd'hui, je déambule sans crainte dans cette ville-musée à ciel ouvert... J'achète au pied du somptueux minaret inachevé de Kolta Minor un chapeau qui n'a pas fini de vous faire rire au cours de l'hiver prochain !
Celui de Tomas, un suédois qui va vers Pékin, n'est pas mal non plus..

Un tour dans le grand marché du dimanche, haut en couleurs, associé au flamboyant passé de cette région d'Asie Centrale, éclipse volontiers à mes yeux la déliquescence des états prétendument modernes...

16 avril 2007

Page 40 : Ouzbek'blues

Quand on voit le bordel que c'est pour franchir la douane ouzbek, on se dit qu'on a bien fait de payer son visa 80 euros...
Et quand on débarque à Tachkent, une ville au charme, hum... soviétique, où l'on ne peut pas faire 20 mètres sans croiser un poulet (les plus cons, avec un képi qui leur serre l'intelligence...), ou les flics ripoux écument le seul métro que l'on puisse trouver dans toute l'Asie Centrale (plusieurs fois, ils ont essayé de me racketter, mais je ne me suis jamais laissé intimider , je leur dis "niet rusky" et je leur cause en français en les baladant dans la station, pas question qu'ils voient mon passeport, ces enfoirés !)...
Bref, le premier contact avec Ouzbékistan n'est vraiment pas formidable...


En outre, on trouve dans ce pays l'un des spectacles les plus désolants qui soit, ces carcasses de bateaux rouillant sur le fond de la Mer d'Aral disparue par suite de la désastreuse gestion économique planifiée de l'URSS, au mépris de toute considération écologique...
les tempêtes de sable et de sel mêlés ont remplacé la brise marine...
Je voulais voir ça de mes yeux, c'est fait et c'est une triste vision... Maintenant, je ne peux qu'exprimer mon mépris envers ceux qui professent que l'écologie n'est qu'une préoccupation mineure, que l'homme peut dominer la nature à sa guise...

Et, puisqu'en France on est semble-t-il en période électorale, moi je donnerais ma voix au candidat(e) qui a les plus petites poches, ce sera le(a) moins corrompu(e), et surtout pas a un vilain nabot chef de la police, fermons la parenthèse...


Il faut avoir un sacré sens de l'humour pour survivre au milieu de cette nature ruinée, heureusement, le peuple au chapeau noir, les Karakalpaks, en est généreusement pourvu, de même que son sens de l'hospitalité ne se dément pas, j'ai pu le vérifier tous les jours de mon séjour à Nukus et Moynaq, notamment quand je me suis retrouvé dans un mariage, banquet et multiples toasts, un rituel très sérieux, j'ai essayé de n'oublier personne, les jeunes mariés, leurs parents, leurs futurs enfants, la famille élargie, les amis (c'est pas si facile, essayez !)... En tant qu'invité "prestigieux", j'ai eu l'honneur de déguster la tête de l'un des agneaux sacrifiés pour le mariage... fameux !


Ils gardent aussi l'espoir qu'une meilleure gestion de la ressource en eau peut contribuer à recréer quelques lacs et contrecarrer l'avancée du désert là où se situait la Mer d'Aral... Cependant, jamais plus les chalutiers n'approvisionneront en poisson toute la Russie et l'Asie Centrale...

A propos d'écologie, les ouzbeks, qui jettent tout par les fenêtres, sont toujours surpris quand je leur dis que ma veste polaire est faite à partir de bouteilles de plastique recyclées...

Xush kelibsiz O'zbekiston ! (Bienvenue en Ouzbékistan !)

08 avril 2007

Page 39 : Transit au Kazakhstan

C'est là qu'on se rend compte comme c'est facile de franchir les frontières des états au sein de l'union européenne... En Asie centrale, c'est un peu différend, laissez-moi vous conter l'aventure...

Donc, je pars de Xining, en Chine, a 6 h du mat', par un bus kazakhe à destination d'Almaty, à 450 kms de là... Une distance raisonnable, si ce n'avait été les 5 heures d'attente pour franchir les 2 postes frontières de Khorghos et Zarkhent... Plus les heures perdues à charger et décharger les tonnes de marchandises que les kazakhes sont allés chercher en Chine (toutes les soutes sont pleines, et encore le tiers des sièges du bus) et à rouler à petite vitesse sur les routes totalement défoncées...

Bref, 16 heures plus tard, le bus s'arrête à son dépot, sans passer par la gare routière, dans une lointaine banlieue d'Almaty...

Vous la sentez, la grosse galère, paumé en pleine nuit dans une ville inconnue, sans un sous dans la monnaie locale ? Ca vaut 9 sur l'échelle de Richter !

Je commence à marcher avec mon sac, cherchant un point de repère... Je vois des flics en train d'emmerder 2 jeunes (dans la trentaine), je décide donc d'aller emmerder les flics en leur demandant où je suis...
Mes papiers sont en règle, je ne lache pas le morceau, visiblement je les dérange, ils hésitent à extorquer de l'argent aux 2 autres gars devant un témoin étranger, ils préfèrent chercher d'autres victimes, sans me renseigner, ces enfoirés de ripoux !

Je me retrouve donc avec 2 russo-kazakhes dont l'un parle suffisamment anglais pour assurer la traduction, ma galère est finie, mais pas la nuit, loin de là...

Prudemment, je laisse mon sac à la consigne de la gare et j'achète mon billet de train dans la foulée, avant de continuer ma virée avec Georg et Kamil...
L'amitié entre les peuples et mon russe s'améliorent au fur et à mesure que l'on boit des bières (!).
On arrête une voiture qui fait taxi de nuit pour aller boire du champagne russe dans la montagne en regardant les lumières de la ville, avant de s'écrouler à 4 h du matin chez Kamil...

A 8 h, je fais la connaissance d'Oksana, la femme de Kamil, et de Jeanne, leur petite fille, blondinette aux grands yeux bleus...
Petit déjeuner (thé, pain beurré avec du fromage, fruits secs), ça fait du bien...
A 9h, mes 2 compères veulent à tout prix me faire découvrir les vins kazakhes (pas génial mais c'est buvable) avec des "pirminyi", des raviolis cuits a la vapeur...
A 11 h, un tramway me ramène dans le centre ville d'Almaty où je passe une bonne partie de la journée dans les parcs publics à me dorer au soleil en regardant passer les jolies filles court-vêtues...
A 18h, je récupère mon sac et monte dans le train à destination de Chymkent a 650 kms, proche de la frontière avec Ouzbékistan. Mes 2 amis montent aussi dans le train, histoire de faire des adieux en règle devant quelques nouvelles bières... Comme ça, tout le monde connait mon histoire dans le compartiment lorsqu'ils descendent à la station suivante...

Ainsi, la glace est rompue et le lendemain matin, c'est Amalia qui me guide jusqu'à la frontière, elle retourne se fiancer en Ouzbékistan, où ses parents vivent encore (mais en devenant kazakhe, elle a multiplié son salaire par 4 et me dit pouvoir s'exprimer librement dans la rue, ce qui ne serait pas possible en Ouzbékistan)...

On arrive ainsi à un poste frontière secondaire, peu fréquenté, malheureusement je n'ai pas le droit de passer par là, il faut que je retourne au point de passage principal, a Jibek Joli, ou l'animosité réciproque entre les 2 pays résulte en une cohue générale et... 2h30 pour franchir la frontière à pied en jouant des coudes !