23 novembre 2008

Page 75 : Kédougou (Sénégal) - Labé (Guinée) : 250 kms en 56 heures...

Voici une frontière dont je me souviendrais pendant longtemps...

Tout d'abord, ayant une haine atavique et viscérale contre la majorité de ces ... de chauffeurs de taxi, et les voyages en Afrique de l'Ouest étant le domaine presque réservé des taxis-brousses, c'est sûr que ce périple africain ne pouvait pas se passer dans les meilleures conditions...

Il faut savoir que les taxis-brousses sont organisés en ce qu'ils appellent des "syndicats", en fait un pur système mafieux, dans lequel un "coxeur" encaisse la monnaie et attribue les places selon son bon vouloir, et autorise le départ du taxi lorsque celui-ci est archi-surchargé...


Pour le cas présent, nous nous sommes retrouvés 16 clients payants, 4 bébés, les bagages, le chauffeur et ses 2 assistants à bord d'un 4*4 en ruine(Pick up Toyota Hilux pour les connaisseurs)...

Mais pour réunir tout ce beau monde, il aura fallu 4 jours... Pascal, mon guide sénégalais et moi avons eu de la chance, nous n'avons attendu que 26 heures...

J'établis ainsi un nouveau record du monde personnel, améliorant ma performance précédente de plus d'une heure trente, en Australie en l'an 2000, j'avais attendu durant 24h30 qu'une voiture veuille bien me sortir du Red Center...

Enfin, nous prenons le départ, franchissant le fleuve Gambie sur un bac captif à traction manuelle puis on se lance sur une bonne piste, ouf enfin on avance, on commençait à péter les plombs à tourner en rond dans la ville poussiéreuse de Kédougou, au sud-est du Sénégal...

Au bout d'une heure, on bifurque dans un chemin que même les mules ne veulent pas emprunter pour escalader la montagne... Il faut que tous les passagers descendent pour permettre à la voiture de franchir l'infâme pierrier qui tient lieu de piste transfrontalière...

A la douane sénégalaise, l'expression du douanier à mon encontre ("Ah ! un passeport !") témoigne du fait qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de touristes dans le secteur... Côté guinéen, j'ai droit à un "amène-moi le blanc" en guise d'accueil... Entre les deux pays, ce n'est pas la franche amitié, Pascal en fera les frais plusieurs fois, malgré sa carte officielle de guide touristique...


La voiture, surchargée à l'extrême sur des pistes défoncées, commence à donner des signes de fatigue, ayant une soif d'eau fraîche à chaque cours d'eau que l'on franchit, bien souvent à gué, les rares ponts ayant été détruits pendant les "hivernages" (saison des pluies - 4 m d'eau par an en Guinée..). Il faut vraiment toute la dextérité du chauffeur pour escalader les roches, dévaler les marches et éviter les ornières monstrueuses, et on a bien besoin de toutes les attentions de lui et ses 2 assistants pour maintenir la mécanique en vie, je sens à chaque bosse le chassis se tordre sous mes pieds...


Au bout de 12 heures de ce régime infernal, on n'a parcouru que la moitié du chemin, il fait nuit noire (on est en Afrique !), le chauffeur prend la sage décision de faire reposer la mécanique dans un village où l'on peut se restaurer frugalement... On se trouve à plus de 1000 m d'altitude, pour moi la température est idéale pour passer la nuit sur l'une des banquettes du 4*4 (j'ai droit à un traitement de faveur), Pascal est frigorifié...

A 2 heures du matin, alors que la pleine lune me tape dans l'oeil, un taureau traverse le village et décide de meugler tout ce qu'il peut pendant une bonne demi heure... Alors là, je peux vraiment affirmer que j'ai entrepris un voyage vraiment "roots", au plus près des racines...

A 4 h 30, on repart, le radiateur réparé hier à la colle (!) ne tient pas le choc, on roule 20 minutes et on s'arrête 10 minutes pour remettre de l'eau, c'est sûr qu'on n'avance pas vite... Et encore, on n'a pas crevé une seule fois, ce qui relève du miracle !

A 80 kms du but, on doit même changer de véhicule, pour s'entasser dans un break 504 délabré (11 personnes plus les bébés à l'intérieur, les bagages et 5 personnes sur le toit !), encore plus mal en point que le 4*4, là, ce sera la tringlerie du changement de vitesse qui sera réparée avec un bout de ficelle...



Bref, après 26 heures d'immobilisme et un périple de 30 heures, nous arrivons enfin à Labé, au coeur de la Haute Guinée...

Même à l'eau froide, prendre une douche est alors un vrai moment de bonheur !

1 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

y a pas à dire! vos descriptions sont tous simplement saisissantes.quand aux "coxeurs", c'est les pires créatures qui existent.
un guinéen de passage.

10:12  

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