23 avril 2011

Route 1987 : Maroc'n'roll all stars

J'ai passé 12 mois à ressembler au Che (l'ami Fidel) avec ma barbe et mon treillis, il m'a fallu batailler pendant 3 heures pour éradiquer la jungle avant d'abandonner l'or du Rhin (enfin, la caserne de Freiburg in Breisgau). C'est mon frangin qui est venu me chercher avec sa BFG, moto française donc promise à un brillant désastre commercial, quelques soient ses qualités... Mais il en reste encore quelques unes, voir :
Une semaine plus tard, c'est avec des potes de la fac (Apap et moi en R5, Yves, Marie-Do et Sylvie en 104Z) que l'on traverse l'Espagne sous des trombes d'eau (ctobre) avant de franchir le détroit de Gibraltar (d'où j'écris ces lignes aujourd'hui, la vie ménage toujours quelques subtils effets de hasard...) et faire les premiers pas sur la terre d'Afrique...
Dépaysement assuré dès le passage de la frontière, calme côté espagnol et grouillant côté marocain, mais on se balade bientôt dans les montagnes du Rif en écoutant les riffs (celle-là, elle était facile!) des guitares de Santana sur Caravanseraï...
Notre première étape, c'est Chefchaouen, village qui agrippe à la montagne ses maisons peintes couleur blanc et bleu ciel, un peu comme si on se baladait au fond d'une piscine (en forte pente!)... On tire des tafs du kif du Rif, mais gaffe, le vendeur kiffe les keufs, dis-leur aux dealers (in memoriam Serge Gainsbourg...), on ne tombe pas dans le panneau...
Un détour par Casablanca pour récupérer un troisième larron, Patrice, et on continue notre voyage en visitant les villes impériales de Fès et Meknès, leurs murailles impressionnantes abritant les labyrinthes des souks débordant d'activité. A ce propos, c'est extraordinaire le nombre de personnes vivants de petits boulots, que ce soit le gardien de trottoir (mais quitte à devoir payer pour son stationnement, vaut mieux donner son obole à quelqu'un plutôt qu'à une machine sans âme, non ?), le guide improvisé dans les ruelles entrelacées (où un GPS qui n'existait pas à l'époque y perdrait son latin), le rabatteur qui insiste sur le plaisir-des-yeux-ça-coûte-pas-cher, le gamin qui apporte le thé à la menthe, et j'en passe... Le soir venu, on sort le jean pour aller déguster quelques tajines (bœuf, mouton ou poulet?) à la fraîche...
Direction le Moyen-Atlas où l'on aurait bien pu s'éterniser, on se fait inviter à une noce par des nomades mais le temps nous ait compté (déjà ce carcan des sociétés occidentales!).
Par le tunnel du légionnaire on arrive aux portes du désert, à El Rachidia.
Là, un gamin s'impose (sans que l'on résiste trop) comme guide pour nous amener aux dunes de Merzouga, partie occidentale de l'erg Chebbi, qui est au Sahara ce qu'est le soleil de notre voie lactée dans l'Univers, pour vous donner un peu un aperçu de l'immensité de la chose...
Le Sahara, le roi des déserts, une seule plage de l'Océan Atlantique à la Mer Rouge, le sable y est tellement fin qu'il coule comme de l'eau entre les doigts (c'est ici que je commence ma collection de sables du monde entier), on y bout le jour et on y gèle la nuit, on ne triche pas avec le désert... Le jour, les dunes flottent sur les eaux irréelles et tremblotantes des mirages, la nuit, la voûte céleste scintille de milliers d'étoiles d'un bout à l'autre de l'horizon... Le bonheur de dormir à la belle étoile...
Bien sûr, on ne résiste pas au plaisir de passer une journée à dos de chameau, enfin, quand je dis plaisir...Bon, d'abord ce ne sont pas des chameaux mais des dromadaires, ils n'ont qu'une bosse (d'où on peut déduire qu'un chalumeau est un dromaludaire à deux bosses, cqfd !), et, autre particularité, un sale caractère, qu'ils expriment en blatérant des invectives ! Le vaisseau du désert progresse en avançant les deux pattes du même côté, mais la bosse, elle, elle reste au milieu, ce qui, à terme, provoque une forte envie de se faire opérer des amygdales aux membres du sexe masculin... Résultat, à la fin de la journée, on se battait pour savoir qui allait rentrer avec l'âne (brave bête s'il en est!)...
Moi, je préfère les méharées en Méhari, une autre voiture culte de chez Citroën, voir :
Mais c'est avec nos citadines que l'on poursuit notre périple, notre gamin-guide insiste pour conduire même s'il ne touche pas les pédales et regarde la piste à travers le volant, c'est sans doute pour ça qu'il n'a pas pu éviter le seul caillou noir pointu, pourtant bien visible sur la surface immaculée d'un chott, un lac salé d'une blancheur éclatante, sur lequel on explose un pneu... Bon, après d'âpres négociations, on fait réparer la roue au patelin suivant pour 3 francs (50 centimes d'euro), là aussi on a laissé le gamin faire !
Pour le marchandage, on délègue volontiers aux « gazelles », elles font des merveilles, c'est même parfois gênant quand elles discutent encore le prix des merguez à 3 centimes (0,005 centimes d'euro) ! Elles ont rendu chèvre plus d'un marchand de souk...
Passé Ouarzazate (voir Zazate et mourir ?), on visite les superbes gorges de Todra et du Dadès, impressionnantes failles dans le Haut-Atlas et l'on continue par la route des kasbahs, certaines en ruine, d'autres magnifiques forteresses de pisé se camouflant dans le paysage jusqu'à Zagora, à 40 jours de chameau de Tombouctou (non merci !).
 

On escalade le Tizi'n'Tichka où l'on manque se faire emplâtrer par un camion tellement surchargé que j'en fait des ratures sur mon brouillon, pour redescendre sur Marrakech, la perle du sud.
On ne se lasse pas du spectacle continuel de l'immense et pittoresque place Djema el Fnaa. C'est le cœur de la vieille ville, dominé par la Koutoubia, qui bat son plein à la tombée de la nuit, une agitation qui contraste fortement avec le calme du désert !
Après une semaine de routes poussiéreuses et de pistes sablonneuses on se rue sur les brochettes des étals de nuit tout en se gavant de jus d'oranges fraichement pressées, et ça, il faut pas le faire, on a passé les heures suivantes à faire le siège des toilettes ! Un trône n'est pas forcément royal, même au pays de Sa Majesté... Un grand Coca sans glace (c'te boisson ne devrait être vendue que sur ordonnance !) et un couscous remettent un peu d'ordre dans tout ça...

On refranchit ensuite le Haut-Atlas par le Tizi'n'Test en direction de la ville fortifiée de Taroudant et de l'univers minéral de Tafraoute (le roc du Maroc). De là, on se prend une grosse tempête de sable, qui s'infiltre partout malgré les vitres fermées et la ventilation coupée (quand mon pote Apap revendit sa voiture 8 ans après, il en tombait toujours du sable !). 



La visibilité nulle nous oblige à avancer au pas avant de rallier la côte et la superbe ville d'Essaouira (Mogador pour les navigateurs portugais), port de pêche à la sardine qui s'abrite des embruns de l'Océan Atlantique derrière ses murailles telle Saint Malo sous le soleil...
C'est au Maroc qu'on apprend que les chèvres poussent sur les arbres, notamment sur les arganiers (l'huile d'argan, l'une des meilleures huiles au monde!) qui parsèment la route qui nous amène aux cascades d'Ouzoud, un moment de fraîcheur bien agréable au plus fort de la journée, le soleil d'Afrique cogne dur !

Il faut maintenant entamer les 2500 kms de remontée vers l'Hexagone, sans rouler de nuit au Maroc, parce que la plupart des véhicules n'allument leurs phares qu'au moment de vous croiser (j'imagine que c'est pour économiser les ampoules, mais ça surprend !), que les piétons, les animaux et les carrioles ne sont pas éclairés, tout comme les nids d'autruches (c'est comme les nids de poule de par chez nous mais en beaucoup plus gros!). On en reviendra avec une jante tordue en 8, bonjour les vibrations ! Donc, ne pas rouler de nuit, d'autant qu'Allah va au bar de bonne heure le matin et qu'il y a toujours un haut-parleur rouillé qui s'égosille pour vous le rappeler du haut du minaret en face de la chambre et que vous n'avez pas remarqué en arrivant la veille...
On a droit à une fouille en règle par les douaniers français qui ont trouvé douteux « que l'on revienne d'Espagne en ayant fait juste un «petit saut » au Maroc pour quelques emplettes », faut dire que la R5 traîne un peu par terre (en laissant un peu de sable derrière elle)... Tapis, lanterne en fer forgé, échiquier en marqueterie, kif-kif, m'sieu l'gabelou, ce que tu cherchais est parti en fumée !