27 janvier 2014

Deuxième route 1989 : Québec, je me souviens

Je profite des relations privilégiées de ma fac lyonnaise avec l'université de Montréal pour organiser mon stage en entreprise chez les «cousins» d'outre-Atlantique, 3 mois en francophonie américaine, un bonheur auquel la devise de l'état du Québec s'applique parfaitement : «je me souviens»!

Je débarque ainsi dans le service des Ressources Humaines de la S.A.Q. (la Société des Alcools du Québec - ça ne s'invente pas !), stagiaire, pas payé mais nourri gratuitement à midi, j'ai vite sympathisé avec le chef cuistot et ses "spécial du jour"!
J'ai donc fait un micro-crédit pour payer ma coloc' et mes frais de voyage, parce que je compte bien profiter de mes fins de semaine pour sillonner la Belle Province...



En été, dans tout le Canada fleurissent les fleurs et les festivals, et donc aussi dans la cosmopolite métropole de Montréal et l'historique ville de Québec, humour, jazz, cinéma...
L'un de ces festivals les plus populaires, aux manifestations multiples «in» et «off», c'est le dorénavant célèbre festival «Juste Pour Rire» au cours duquel mes zygomatiques tressautent avec allégresse lorsque Gustave Parking se métamorphose en mouche, bbbzzzz!!!
C'est durant le festival «Jazz à Montréal» que j'applaudis Pat Metheny qui joue gratuitement devant 100 000 personnes en plein centre ville au pied des gratte-ciels et des shopping-centers où tout le monde va magasiner... Et c'est bien rare s'il ne se passe rien rue Ste Catherine, notamment à l'excentrique caf'conc' des Foufounes Electriques...
Plus tard, coup de bol, je ne loupe pas l'occasion de voir mon groupe de rock progressif favori de tous les temps, Yes ! Ils étaient passés à Lyon en 78 mais je n'avais pas eu l'autorisation de «Going for the one» à cette époque...
Je profite du festival international de cinéma pour aller aux vues, je me souviens notamment de «Nocturne Indien» d'Alain Corneau et de «Beignets de tomates vertes» de Jon Avnet...
Ce sont aussi les festivals culinaires que je rencontre inopinément lors de mes balades dans la campagne québécoise, que ce soit des bleuets (pour les succulentes tartes à la myrtille...), du sirop d'érable, du saumon de rivière, bienvenue ! Avec plaisir!

Mes pérégrinations m'amènent dans la vieille ville de Québec, fondée par Champlain en 1608, dont les fortifications et l'immense château Frontenac dominent la vieille ville et le fleuve St Laurent (la rivière comme ils disent !). J'adore me balader au milieu des maisons de granit et des ruelles pavées de la seule ville fortifiée d’Amérique au nord du Mexique, sans oublier la promenade Dufferin au pied du chateau-hôtel Frontenac, depuis laquelle la vue est juste splendide...

Je n'ai pas assez de sous pour louer et chauffer un char (conduire une voiture), alors quelques coups de pédale (ben oui, à vélo !) m'amènent au pied de la majestueuse chute Montmorency et j'arrive ainsi sur l'ile d'Orléans au relief reposant de douces collines vertes parsemées de maisons de bois colorées aux tons pastels, même pas maganné (fatigué)...


Je retourne en Gaspésie, jusqu'à l'Auberge de Jeunesse de Pointe-à-la-Garde sur la Baie des Chaleurs (et
pourtant, kriss que l'eau de l'Atlantique Nord y est froide !). Cette AJ m'avait laissé un tellement bon souvenir il y a 5 ans et a failli fermer l'année d'après pour des problèmes de mise en conformité, il fallait que j'y retourne, malgré la distance (2000 kms AR cette fin de semaine !).
Le patron, Jean, m'y accueille... dans un château qu'il construit en bois avec les subventions que lui verse l'état pour replanter les arbres qu'il a coupé pour la construction de son édifice (!)... Veillée tard, n'empêche, la (courte) nuit passée dans un lit king size qui occupe toute la largeur de la bow window avec vue imprenable sur la forêt fût bonne en maudit...

Je passe sur la rive nord de l'estuaire du St Laurent pour observer les baleines bleues à Tadoussac, en zodiac pour un contact encore plus privilégié... Ce sont des rorquals bleus, les plus grandes baleines existantes (pouvant dépasser 30 mètres de longueur et 170 tonnes !) qui viennent se gaver de plancton microscopique piégé à cet endroit précis par le courant du fleuve à la confluence de la rivière Saguenay...
Un spectacle magique où l'émerveillement s’accroît au fur et à mesure que la distance au cétacé décroit, je me cache à l'eau, l'émotion est amplifiée par la petite taille de notre embarcation gonflable au ras des flots...
Un souvenir impérissable lorsque l'une d'entre elles plonge juste sous le zodiac, moi à la proue je vois défiler de très près les 30 mètres du mastodonte, tabarnak, s'il lui prend la fantaisie de donner un coup de queue, sûr que notre canot serait projeté en l'air, mais, et ça m'impressionnera toujours, ces géants des océans évoluent avec une telle grâce et une telle précision dans leur milieu et respectent ceux qui les admirent... Tout comme les indiens qui vivent autour du lac St Jean...

Je passe dans l'état voisin de l'Ontario pour visiter le parc des «1000 Iles» et ses petites "cabanes au
Canada" sur leurs îlots respectifs, en passant par la capitale fédérale, Ottawa et son escalier d'écluses. La région a été rabotée par les glaciers, laissant un relief aplati et tout en rondeur où les clairières de la gigantesque forêt sont occupées par d'innombrables lacs et rivières à castor...

Même pas peur, c'est en faisant du stop sur l'autoroute et en jouant au chat et à la souris avec ces tarés de cops (les flics de la route qui ont trop regardé Starsky et Hutch) que je rejoins la «Grosse Pomme» (Big Apple), c'est à dire New-York, toujours aussi active qu'une fourmilière en ébullition, surtout vue d'en haut des Twins Towers, à l'issue d'une montée en ascenseur qui doit pourtant faciliter les descentes d'organes ! Ville de contrastes, excessive, violente, électrisante, généreuse, mon coup de cœur de la côte est des USA ne se dément pas, fût-ce le temps d'un week-end... (J'ai à nouveau le droit de parler franglais, je me suis éloigné de l'exception culturelle québécoise !)

Je retourne à Montréal avec un Haïtien qui parle en joual (dialecte québécois directement issu du vieux français) mâtiné de créole aux accents antillais... Rigoureusement incompréhensible !!!
Restent les bonnes vibrations de Bob Marley, oooh yeeaah !...


Ma dernière virée se passe dans les Laurentides où les arbres commencent à se parer pour l'été indien en un
festival de couleurs chatoyantes, aux teintes chaudes qui contrastent avec les températures de plus en plus froides...
Les orignaux et les ours blancs racontent qu'au Canada, il y a 2 saisons: le mois d'Août et l'Hiver, c'est un peu exagéré mais si l'homme blanc coupe du bois, c'est que l'hiver sera rude (vieille blague Huron) !


Bref, ce fût un stage de fin d'étude inoubliable, grandiose ! J'ai sorti un rapport de droit comparé franco-québécois bien juridique bien chiant mais bien noté pour obtenir mon Diplôme d’Études Supérieures Spécialisés en Relations Sociales du Travail, avec une expérience à l'international, tout ce qu'il faut pour décrocher un bon job quelques mois plus tard...

Première route 1989 : premiers pas en Asie, la Thaïlande (via le Bangladesh)

Trois petites semaines pour évacuer le stress lié à la préparation et au passage des examens, avant mon stage en entreprise de fin de cycle (un Doctorat d’Études Supérieures Spécialisé en Sciences Sociales du Travail, ouah, ça pète un max!), pour redevenir zen, je vise l'orient, et plus particulièrement la Thaïlande...

Vite chez Nouv'...Front'... pour acheter le premier vol sec à tarif étudiant, faut pas rêver, je me retrouve comme une sardine dans le seul avion capable de voler de la Biman Airways (les 2 autres servent de stock de pièces détachées!) et Bang, la dèche !
A Dacca, je me retrouve désigné volontaire pour céder ma place à un plénipotentiaire qui doit se rendre à Bangkok, débarqué malgré mes protestations dans le hall de l'aéroport... un tas de ruine, une dalle de béton rongée par les moussons soutenue par de maigrelets piliers laissant entrevoir leur squelette de ferraille rouillée (suffisant pour dissimuler la foule famélique des bengalis, et ce sont les mieux nantis qui fréquentent un aéroport !...

On me pousse dans un taxi, la compagnie m'héberge pour la nuit (encore heureux!) dans un palace de la ville... d'un coup, le quartier des Minguettes au sud de Lyon m’apparaît luxueux en comparaison avec ses grandes barres d'HLM ! D'autant que je n'ai pas le droit de sortir, l’hôtel est barricadé avec une énorme grille gardée par un vigile armé, joie et bonheur !
Le repas est le même que celui servi dans l'avion, poulet et riz, le poulet gros comme un poussin et les grains de riz cuit aussi gros que le riz cru ailleurs... La télé visqueuse distille un unique programme dégoulinant dans la touffeur de la mousson approchante qu'un ventilateur poisseux ne parvient pas à rafraîchir...

C'est donc soulagé que j'arrive à Bangkok le lendemain, il ne me reste plus qu'à rejoindre mon hôtel... pas de métro à cette époque, un premier bus (bondé) me permet de rejoindre un autre bus (surchargé) pour se rapprocher du centre ville dans une circulation anarco-anarchique, enfin un énorme embouteillage bordélique hyper pollué...

Du centre, je prends enfin un taxi (j'aime pas les taxis!), je suis ma progression sur le plan de ville (merci les panneaux traduits en anglais et mon sens de l'orientation!) jusqu'à voir la pancarte de l'hôtel... Mais qu'est-ce qu'il me fait ce bouffon de taxi ? Il part dans la direction opposée ! Depuis mon départ, j'ai épuisé ma réserve de zénitude, je sors un schlass-façon-Rambo de mon sac (quand je voyage seul, je ne le met jamais dans le coffre) et je lui caresse la glotte, c'est vachement efficace ! Pas de pourboire, ni de supplément pour le détour, qu'est-ce qu'elle est bonne la bière Singha bien fraîche sirotée dans le jardin luxuriant de la maison en teck où je me pose enfin !

Ce qu'il y a de bien en Thaïlande, c'est qu'il y a un bon réseau de train, par lequel je vais remonter le long de l'histoire des capitales du royaume du Siam, Ayutthaya, Lop Buri, Phitsanulok, Sukhotaï, jusqu'à la perle du nord, Chiang-Maï...
Je passe d'un palace impérial à un temple bouddhiste avec l'agilité d'un singe virevoltant entre les statues recouvertes de soie dorée. Les fleurs rougeoyantes des flamboyants resplendissent sur fond de gros nuages noirs de la mousson d'été...

Ciel bleu le matin au dessus de mon bol de thé, gros nuages blancs vers midi qui se reflètent dans les rizières miroitantes, et grosse pluie le soir qui rend l'usage d'un parapluie tout à fait superfétatoire... Heureusement on sèche aussi vite qu'on est trempé, avant de déguster une salade de papaye verte et un Khao Phat Kaï (riz frit au poulet) !
Chiang Maï, c'est la douceur de vivre, bien loin de la frénésie de Bangkok, l'odeur des hibiscus , les somptueuses orchidées et la magie des grands éventails en papier de soie peints de couleurs éclatantes...

A cette époque, c'est aussi une sorte de ville frontière, plus au nord on se rapproche du Triangle d'Or et du trafic d'opium, et plus au nord encore il y a la Chine qui est secouée par les évènements de la place TienAnMen (souvenez-vous de cet étudiant faisant face à un char d'assaut!).
Je m'inscrit quand même à un trek dans les tribus des montagnes environnantes, trois jours particulièrement riches en émotions...

Ça commence par le franchissement d'un pont de 50 m en bambou suspendu : à franchir 2 par 2, sans s'arrêter sinon c'est le pendule assuré pendant de longues minutes au dessus d'une rivière bouillonnante...

Puis on grimpe dans la montagne sur une sente à travers une jungle particulièrement emberlificotée sous une chaleur écrasante et un taux d'humidité torrentiel, avec le paquetage sur le dos, j'ai payé pour faire la légion étrangère ?!
Arrivé le soir dans un village Hmong des hauts plateaux, enfin un peu de fraîcheur, où surnagent les volutes âcres des pipes d'opium...

Pour ne pas mourir idiot, on peut essayer... Jusqu'à ce que notre guide-interprète nous informe que le vieillard décharné à la peau parcheminée qui enchaîne pipe sur pipe en face de nous n'a que... 30 ans ! Ça me coupe direct l'envie ! Le fun des paradis artificiels oui, l'auto-destruction non ! Le wok de légumes et lamelles de porc sauté préparé par nos hôtes est vachement plus engageant...

Le lendemain, on redescend rejoindre un camp d'éléphants qui travaillent à déboiser la forêt et qui se reposent en trimballant des touristes ! Juchés à 2 sur un palanquin en teck (sans ceinture!) à 3 m de haut, les pieds sur les poils éparses du haut du crâne du pachyderme, on déambule nonchalamment sur une piste jusqu'à ce que survienne une descente assez raide... Je vois l'éléphant qui nous précède s'accroupir sur ses pattes arrières et se laisser glisser en contrebas, avec ses passagers hurlants comme dans un manège de fête foraine ! Et pas le temps de faire autrement, c'est notre tour, tout schuss à dos d'éléphant ! Waooh !

La balade se poursuit en radeau de bambou sur une rivière tranquille, sauf que chaque fois qu'on remue, une multitude d'araignées, d'insectes et de cafards émergent des troncs, pas dangereux mais pas follement romantique ! On termine la journée dans un lodge au bord d'un lac, coucher de soleil d'un rouge communiste mélangé d'un jaune mandarin... Je décline la soupe de cafards pourtant préparée consciencieusement par le cuistot qui a délicatement arraché les 6 pattes de chaque blattoptère, préférant piquer une tête dans le lac après un massage thaï traditionnel (je ne savais pas que j'avais autant d'os à craquer!)...

Après cette aventure, redescente express en bus de nuit vers les plages du sud de la Thaïlande (la nuit, on se rend moins compte de la multitude d'accidents auxquels on échappe ! ). J'ai de la chance, la vidéo du bord ne diffuse pas que ces sempiternels films de boxe thaï ultra-violent, mais aussi le fameux western de Sergio Leone, « Le Bon, la Brute et le Truand », en version thaï, je suis mort de rire à voir Eli Wallach, Lee Van Cleef & Clint Eastwood baragouiner en siamois !

Passé Phukhet, j'arrive au port de pêche à la crevette de Krabi, je me dirige vers les falaises karstiques de Phang Nga transpercées de multiples grottes, et la mer d'Andaman hérissée de pitons rocheux comme sur Ko Khao Phing Kan, l'île de l'homme au pistolet d'or, Bon, j'aime Bon...

Une barque de pêcheur me dépose sur un paradis tout juste découvert, Koh Phi Phi, je dois enjamber une dizaine d'embarcations disparates avant de fouler le sable fin d'une blancheur éclatante de l'île papillon, à peine une dizaine de bungalows sans électricité se prélassent à l'ombre des palmiers et une abondance de poissons frais et crevettes grillées sont au menu...
Le port est un aquarium tropical naturel, la plage sur l'autre rive est paradisiaque, on y a pied dans une eau chaude turquoise pendant au moins 300 m et les hirondelles virevoltent silencieusement d'une falaise à l'autre...
Tout ça, c'était avant le tourisme de masse...

Je change de façade maritime pour me retrouver dans le golfe du Siam, à Koh Samui, explorant l'île à moto avec une japonaiserie de 110 cm3 qui monte à 100 km/h avec des pneus de vélo, ça tangue parfois entre les nids de poule et les ornières... Je me régale de plongées avec masque et tuba, une eau à 28°, ça ne se refuse pas ! (ni une noix de coco fraîche !)


Et ben, mes 18 jours au pays du sourire se terminent par un tour sur le marché flottant de Damnoen Saduak, arrivé de bonne heure avant la meute des cars de touristes quand les Thaïs y font leurs emplettes au ras de l'eau... Bien sûr que j'embarque sur une barque, ça fait se gondoler toutes les gondolières, en thaï, avec vue imprenable sur l'activité de cette fourmilière colorée et bavarde !


Je passe ma dernière journée dans la capitale, au bord de la rivière Chao Praya et de ses klongs (canaux) sillonnés par les "longues queues", ces barques à moteur propulsées par des moteurs de camion avec un arbre de transmission démesuré qui permet de relever l'hélice quand le canot passe sur des radeaux d'algues, des troncs d'arbres, et autres dangers de navigation sur ces eaux boueuses... Je termine ma virée siamoise par la visite du somptueux palais royal avec le temple du fameux Bouddha d'émeraude...