02 mai 2012

Route 1988 : à moto, enfin !


Ayant laborieusement obtenu le sésame rose (avec moult leçons mais au premier essai quand même!), j'ai aussi laborieusement acquis mon premier Cheval de Fer 3 ans plus tard... Pour 3000 francs, j'acquiers une Honda CB 650 flambant pas neuve à laquelle il me faut trouver un pot d'échappement à prix petit motard...  Je trouve dans la Drôme un pot 4 en 1 de piste, donc bien sûr non homologué, mais ça fait bien l'affaire à 500 francs, et l'illusion durera aussi longtemps que les quelques morceaux de polystyrène dans le tube final !
Reste à trouver une assurance moins chère que ce fier destrier, ce qui élimine d'office les assureurs se prétendant spécialistes en moto (je me rappelle encore des 9000 francs demandés par la Mutuelle des Motards pour une assurance au tiers !), c'est auprès d'une banque qui se lançait alors sur le marché des assureurs que j'obtiens un tarot de 3450 francs grâce à mes 3 ans de permis...

A moi donc les chevauchées sauvages sur les rubans d'asphalte serpentant dans les vertes collines, à flanc de montagne ou au milieu des champs, cette énOrme sensation de liberté au contact de la nature, de ses odeurs, de la pression du vent et des rencontres passionnées, violentes avec tout ce qui bourdonne, virevolte, papillonne à tout va ! J'opte rapidement pour le casque intégral (heaume, sweet heaume !) après quelques impacts sanglants et autres piqures dans le cou...
Tel l'Easy Rider solitaire se dirigeant vers le soleil couchant, je fourre régulièrement quelques affaires dans un sac enroulé dans un sac poubelle (le top-case français !), ligoté sur la selle avec des tendeurs, histoire de faire plusieurs centaines de kilomètres pour aller boire des canons et coucher sous la tente (ou à côté...) avec d'autres fondus de bécanes, pas sectaires mais toujours de mauvaise foi, ça s'appelle des concentres...

En septembre, direction le Sud, je retrouve quelques « blousons noirs » le week-end du Bol d'Or pour se rendre sur le circuit du Castellet, si, si, j'vous jure, Le Castellet, c'était aussi un circuit pour les motos, pas ce que c'est devenu aujourd'hui avec une bande d'abrutis caisseux snobinards de mes deux ! Excuses au conducteur de la voiture qu'on a encerclé au milieu de la nuit sur l'autoroute en faisant frotter les béquilles dans des grandes gerbes d'étincelles...

Après avoir posé la tente, ayant tordu toutes les sardines sur le sol dur comme du béton, les clous de charpentier font merveille, je fais le tour du circuit (à pied) pour voir inlassablement tourner les équipages, hypnotisé par les trajectoires, les angles, les ré-accélérations, le tonnerre mécanique et ses rugissements... Avec les poteaux, on fait la pause en allant becqueter en bord de mer à Bandol, en faisant gaffe car la route est piégeuse, surtout si on force sur les apéritifs anisés avant le rosé local, y'en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes...
Les heures tournent et l'obscurité venant le rythme ne s’essouffle pas, les tours défilent dans le faisceau des phares, jusqu'au cœur de la nuit où un gigantesque orage interrompt momentanément la compétition (j'aurais jusqu'à 20 cms d'eau dans la tente!) et alors seulement le plus dur reste à faire, passer le petit matin et tenir jusqu'au bout de la course de pas tout à fait 24 heures, parce que le public enthousiaste envahit la piste avant la fin de ce Bol d'Eau(r) !


Retour par la Route Napoléon, parce que c'est quand même plus fun que l'autoroute, à suivre mon frangin sur son « Quat'Pattes », j'améliore mes propres trajectoires, jusque-là assez... généreuses !
Et puis ça fait plaisir d'enrhumer quelques kékés sur leurs bolides neufs qui « montent à 300 » (sur l'affiche dans leurs piaules!)... Ils ne sont pas joueurs, alors qu'on se fout ouvertement de leur tronches (on est sur la route de Grenoble, les locaux comprendront...).
Etre libre sans être tête brulée, pour le plaisir de rouler, je vais me régaler pendant environ 200 000 kms avec mes 4 motos dans la vingtaine d'années suivantes, de l'Espagne à la Norvège, de l'Italie à l'Irlande...