Road-trip
marocain, février2020
C'était
il y a très longtemps, dans une galaxie lointaine...
Heu,
ben non, en fait, en février dernier, j'ai répondu à l'invitation
d'un ami-de-presque-quarante-ans, Omar, et je me suis envolé pour
Marrakech, au Maroc, à trois heures de Lyon...
Les
avions vus des jardins de la Ménara, à Marrakech.
Je
perds 15° en latitude mais je les rattrape en température, et ça,
comme les rayons du soleil d'hiver, c'est bon pour le moral !
Pour
le bien-être du muscle du milieu, la maîtresse de maison me régale
de soupes bien roboratives, de succulents tajines et de couscous
raffinés, de pâtisseries un tantinet énergétiques et de crêpes
parfumées à l'huile d'argan...
Avec
les superbes citrons du jardin, c'est aussi l'heure des premières
fraises !
Je
profite des relations de mon ami pour me faire refaire chez un
tailleur des pantalons sur mesure, dans de beaux tissus, sur un
modèle acheté en Iran il y a douze ans dans un bazar de la route de
la soie...
Vingt
ans après mon dernier passage dans la quasi-millénaire ville ocre,
les remparts se sont refait une beauté mais ne suffisent pas à
contenir le tourisme de masse, je renonce à visiter le jardin
Majorelle devant l'affluence des touristes et pars me perdre dans le
dédale des ruelles du souk de l'antique médina...
Si
je devais me loger dans la vieille ville, je tâcherais vraiment de
savoir si l'adresse est facile à trouver et retrouver, dans ce
labyrinthe enchevêtré aux innombrables impasses tortueuses (et sans
pancartes!)...
Heureusement,
j'ai un bon sens d'orientation !
Les
boutiques hétéroclites du souk de la Médina.
Bon,
je ne veux pas abuser de l'hospitalité de mes hôtes, et je ressens
l'appel irrépressible du Sud...
Pour
cela, je dois franchir la barrière montagneuse du Haut Atlas qui se
dresse à une trentaine de kilomètres de Marrakech dont les sommets
(à plus de 4000 m) portent un chapeau enneigé...
Or,
les deux principaux cols routiers à proximité sont tous à plus de
2100m d'altitude, mais comme je ne veux pas faire le détour par la
côte via l'autoroute, je vais tenter ma chance !
Direction
sud-ouest via le Tizi n'Test (2100m) par une superbe route de
montagne, qui dévoile de majestueux points de vue à chaque
virage...
Pas
de neige, peu de circulation, heureusement parce que la route est
étroite et la descente de la face sud sur la plaine de Taroudant est
particulièrement abrupte !
C'est
dans la ville fortifiée de Taroudant que je trouverais babouche à
mon pied, en cuir rouge, confortable et légère...
Mon
hôte m'y fera visiter le grand marché hebdomadaire et, à ma
demande, m'amènera chez son marchand d'huile d'argan artisanale
(j'en achète 2 litres), J'adore le petit goût de noisette de cette
huile aux reflets d'or !
Je
me dirige maintenant vers le Moyen Atlas et la ville aux rochers
colorés de Tafraoute, avec au passage quelques dromadaires friands
des noix d'arganiers, comme les chèvres qui grimpent dans ces
arbres, et des ksars qui attestent d'un passé agité, quand il
fallait se protéger des razzias des tribus nomades du désert
proche...
Tafraoute
est au cœur d'un univers minéral magnifique, quelques rochers de
Ploumanach' sont venus en villégiature dans les environs et un
artiste hollandais s'en est servi pour en faire une œuvre de Land
Art aux couleurs vives (voir photo dans un message précédent)...
Village
fortifié.
Le
véritable artiste de la région reste toutefois la Nature, qui
expose son œuvre à ciel ouvert dans ces montagnes creusées de
canyons aux falaises escarpées, aux formes torturées par les forces
telluriques, un paradis pour géologues !
Dans
cet environnement brut, le gel nocturne affronte la fournaise du jour
et les oueds font jaillir des oasis exubérantes au fond des vallées
où les villages se confondent avec les roches alentours...
Vallée
du Moyen-Atlas.
Bon,
même si le goudron progresse partout au Maroc, pour ressortir de la
vallée c'est une piste rocailleuse où surnagent quelques pâles
réminiscences d'un ancien revêtement, qui mettent à mal les pneus
déjà bien fatigués de ma voiture de location (un point que j'ai
oublié de vérifier en profondeur au départ)...
Je
dois changer un pneu le lendemain, heureusement que je suis au Maroc,
je m'en sors pour 30 € (que l'assurance supplémentaire aurait dû
couvrir, mais bien sûr c'est encore une arnaque!) et je continue ma
route, plein est, en direction du roi des déserts, j'ai nommé le
Sahara...
C'est
là qu'on se rend compte que le Maroc est un grand pays et qu'il faut
bien quelques panneaux de : « attention ! traversée
de dromadaires » pour égayer une certaine monotonie dans les
paysages tout au long de ces 1000 kms...
Parfois,
une brèche dans le relief laisse apercevoir une vallée cachée...
Une
apparition dûe au génie de la route qui aurait frotté sa lampe au
passage de mon tapis magique !
On
croit d'abord à un mirage, mais non, ça mérite bien un virage !
Vallée
magique,
Parvenu
dans la vallée du Draa, à mi-parcours de ce marathon vers le sable,
c'est à la dune de Tindouf que je foule aux pieds (et aux pneus) ces
majestueux tas de poussière minérale...
De
là, il ne restait que 38 jours de dromadaire pour rejoindre
Tombouctou, plein sud, mais aujourd'hui c'est une zone de guerre...
La
dune de Tindouf.
Je
retourne sur le goudron pour rejoindre l'erg Chebbi, à un jour de
voiture vers l'est, vers Merzouga...
Il
y a vingt ans, il n'y avait qu'une maison au pied des gigantesques
dunes mordorées, au bout de la piste qui suivait les poteaux de la
ligne électrique, et le téléphone mobile ne se captait qu'au bout
d'une perche de 3 mètres sur le toit de l'auberge !
Aujourd'hui,
le goudron arrive au pied des dunes où se pressent quelques 400
hôtels, tous avec le wifi...
Pour
le petit parfum de l'aventure, il faut donc aller plus loin, pas trop
parce que ma voiture n'est pas un 4x4 et mes compétence de berbère
plastique ne m'empêcheront pas de m'ensabler...
Mais
l'honneur des hommes du désert est toujours d'actualité et je suis
immédiatement (et gracieusement) dépanné par un touareg en
mobylette qui passait par là... La tradition est respectée !
Je
poursuis donc mon envie de sable chaud dans ce que j'appelle le
« désert brûlé », vu la couleur caractéristique des
dunes...
Le
désert brûlé au sud de Merzouga.
Ici,
le silence environnant permet presque d'entendre l'écoulement des
grains de sable poussés par le vent... Les dunes sont les vagues de
la gigantesque mer de sable qui ondule à perte de vue...
Pourtant,
les chotts (lacs salés asséchés) ainsi que les nombreux fossiles,
que l'on trouve à foison ici, témoignent de la présence de l'eau
en abondance il y a mille et une nuits...
Le
Sahara, roi des déserts, continue d'avancer, imperturbablement,
alors que dans le même temps les glaciers reculent, c'est le yin et
le yang de la respiration planétaire !
Il
n'est pas rare que le vent du sud, qui se charge d'humidité au
dessus de la Méditerranée, se déleste d'une pluie jaunâtre dans
tout le sillon rhodanien, ça assure du travail pour les laveurs de
carreaux et les marchands d'essuie-glaces !
Certains
de ces petits grains de sable iront jusqu'aux dunes de Maspalomas aux
Canaries, et, portés par les alizés, atterriront même en Amazonie,
par delà l'océan Atlantique, un voyage de plusieurs milliers de
kilomètres ! Sacrée plage !
Après
la mer, la montagne, il est temps de revenir dans le Haut Atlas...
Je
reprends donc la route, peut-être avec un peu d'entrain puisqu'une
jolie brunette me gratifie d'un petit mot doux à 15€...
Je
rejoins les gorges du Todra, et même si l'urbanisation galopante
gâche les premiers kilomètres, au point de masquer entièrement
l'oued, une fois passé le défilé les touristes s'évaporent,
laissant la place aux chèvres gardées par les enfants, aux femmes
qui marchent courbées sous de lourds fardeaux pendant que les hommes
se déplacent à dos d'âne...
Je
tente alors d'emprunter une piste qui me faisait rêver depuis mon
premier passage dans la région il y a 33 ans, qui permet de relier
la vallée du Todra à celle du Dadès, passant par le Tizi n'Wato à
2800 m...
En
piste vers le Tizi n'Wato...
Réchauffement
climatique oblige, même à cette altitude la neige est rare, et il
vaut mieux ne pas s'engager sur la piste par temps de pluie (de plus
en plus rare, aussi) parce qu'on progresse souvent dans le lit (très)
caillouteux des oueds...
« Qui
va lentement, va loin », vieux proverbe berbère, il me faudra
bien 4 heures pour parcourir la trentaine de kilomètres de caillasse
dans un paysage grandiose alternant entre passages encaissés et
perspectives infinies, pour le plaisir des yeux en espérant que les
pneus tiennent, et que le moteur ne chauffe pas trop !
C'est
avec un soulagement certain et le sentiment du devoir accompli que je
rejoins le goudron dans la haute vallée du Dadès à la tombée de
la nuit, la première auberge est la bonne !
Le
lendemain, pour le plaisir, je rejoins le Tizi n'Wano à 3200 m, en
plein mois de février, la piste à flanc de montagne est ouverte,
c'est dingue ! Je domine même les sommets environnants couverts
de neige... Il ne faut pas regarder en bas si on a le vertige !
Je
reviens vers la splendide vallée du Dadès, avec ses vergers
d'altitude, ses canyons grandioses et ses gorges ciselées au
scalpel, pour déboucher sur les roches en « doigts de singe »
selon le nom localement mondialisé...
Les
rochers du Dadès.
Après
une brève incursion dans la vallée des roses, mais ce n'est pas la
saison de la floraison (en mai) et le jour baisse déjà, je rejoins
Ouarzazate (et mourir...).
La
grande route, au trafic dense (j'en avais perdu l'habitude!) passe de
ksar en ksar disséminés dans une palmeraie avec la chaîne de
l'Atlas en toile de fond...
Peu
avant de rejoindre le Hollywood marocain, je suis attiré par la
lumière d'un puissant phare : il s'agit en fait de la plus
grande centrale solaire d'Afrique !
La
centrale solaire Noor (580 Méga Watts).
C'est
jour de repos aujourd'hui, au programme : un lavage approfondi
pour la voiture et une visite nécessaire chez un barbier berbère
pour moi !
Le
reste de la journée se partage entre un peu de lecture, quelques
thés à la menthe et l'observation de ce qu'il se passe dans la rue,
partout dans le monde c'est une occupation à plein temps ! Ce
soir, c'est couscous...
Le
ksar d'Aït Ben Haddou.
Retour
sur Marrakech aujourd'hui, via la forteresse d'Aït Ben Haddou, assez
tôt le matin pour éviter la foule qui s'agglutine dans tous les
endroits classés au patrimoine mondial de l'humanité par
l'Unesco...
Une
route goudronnée rejoint le Tizi n'Tichka à 2260m, sur l'axe
principal reliant Ouarzazate à Marrakech, en passant par une
magnifique vallée. Elle remplace une piste dantesque qui m'avait
pris 7 heures en Fiat Panda (normale, pas 4x4 !) il y a 20 ans (les
anglais en Land Rover rencontrés ce jour n'ont jamais voulu croire
que j'étais passé par là !)...
De
retour chez mon ami-de-presque-quarante-ans, ce dernier m'accompagne
pour une visite inédite de ce qu'il reste de la grande palmeraie,
puis un tour des environs de la ville ocre (ses terrains vagues, ses
chantiers, ses décharges, ses embouteillages...).
Tout
ça pour faire un tour dans ma Citroën de location, alors que je la
rends avec des pneus usés jusqu'à la toile, après une boucle de
3300 kms ! Il faut que je refasse le plein... J'en profite aussi
pour acheter en pharmacie quelques boites de médicaments, c'est
moins cher que le reste à payer en France, après le remboursement
de la Sécu et de la mutuelle !
Pour
ma dernière soirée, j'aurais bien voulu déguster une pastilla,
sorte de tourte à la viande de pigeon, cette bestiole qui chie
partout sur vos pompes, mais on n'en trouve plus, donc je me rabats
sur un tajine de poulet au citron... Miam aussi !
Survol
des Pyrénées.
Voilà,
à un mois près, j'aurais été obligé d'acheter un riad à
Marrakech pour passer ma période de confinement, quelque part il y
a très longtemps, dans une galaxie lointaine...